Cet article est extrait du Livre des Tendances 2021,
22 secteurs clés décryptés (352 pages).
En quoi consiste votre proposition ?
Olivia Frapolli : Nous concevons des résidences sur mesure, avec des appartements et des espaces partagés adaptés aux attentes de ceux qui vont y vivre. Pour cela, nous impliquons l’habitant final dès le début de la chaîne de fabrication du logement, au moment de la rédaction du cahier des charges. Nous renversons l'ordre établi en trouvant les acquéreurs avant de démarrer la construction. Nous économisons sur les frais de communication et les frais de portage, le coût du logement est diminué et nous pouvons ainsi proposer du « sur-mesure au prix du prêt-à-porter ».
D'où vous est venue l'idée ?
O.F. : En tant qu’architectes, nous avons pour habitude de travailler d’après un cahier des charges fourni par le promoteur immobilier. Les besoins réels des habitants ne sont jamais pris en compte dans la commande.
Or le logement se doit de répondre à un certain nombre de fonctions essentielles qui dépassent le strict cadre de l’abri : modes de vie, trajectoires individuelles, dynamique des foyers et des territoires… Compte tenu du vieillissement de la population et de la double mutation des structures familiales et des modes de travail, il nous paraissait nécessaire de formuler une offre plus contextuelle, plus flexible, plus désirable, en phase avec les usages contemporains.

Quel est le processus pour cocréer un habitat ?
O.F. : Nous commençons par communiquer sur un projet en devenir : le lieu, les concepteurs, les partenaires, ainsi que les possibles, c'est-à-dire le parti pris architectural, le nombre de logements, les espaces partagés, les prestations de la résidence…
Puis, nous invitons les personnes à s’inscrire sur notre plateforme en ligne et à nous renseigner sur leurs besoins, surface recherchée, budget, nombre de pièces, agencement… Nous leur demandons aussi d'indiquer leur façon de vivre, la composition de leur famille, leurs hobbies… Puis nous les mettons en relation grâce à un algorithme.
Avant d’acheter, on connaît à l’avance ses futurs voisins, on peut disposer des espaces partagés, on participe à la conception de la résidence…
Il s’agit ici de promouvoir l’habitat participatif par le digital : des espaces partagés co-conçus en concertation, parfaitement adaptés aux futurs habitants, qui peuvent appartenir à la copropriété tout entière ou être investis en micro-copropriétés par un petit groupe de voisins. Il peut s’agir d’une salle de sport, d'un cinéma ou d’une garderie parentale…, tout dépend de la demande. Pour ma part, j'interviens au moment de la synthèse pour concevoir les plans d’après les données recueillies.

Une fois la « programmation inclusive » terminée, les futurs habitants sont pris en charge par le promoteur immobilier, qui les accompagne pendant toute la construction jusqu’à la remise des clés. Notre plateforme Yvivre offre un support d’expression ouvert, comme un réseau social, avec des modules pratiques dédiés, des forums d’échange, des carnets de références…
Quels sont les avantages de ce modèle ?
O.F. : Le sur-mesure signifie un logement plus éthique, personnalisé et évolutif, qui développe le vivre ensemble ainsi qu'une expérience unique pour l’habitat collectif neuf : avant d’acheter, on connaît à l’avance ses futurs voisins, on peut disposer des espaces partagés, on participe à la conception de la résidence…
Notre modèle favorise la convivialité en évitant l'écueil des lieux communautaires. L’idée est de trouver un équilibre entre vie privée et voisinage. Pour ce faire, nous misons sur la micro-copropriété : les espaces sont partagés par petits groupes de deux à 10 foyers, ce qui est moins laborieux que de mettre d’accord 30 personnes, lorsqu'il faut prendre une décision. Dès lors, il est plus simple d’apprendre à connaître l’autre et de faire des projets tous ensemble. Ce sont des avantages de la construction d’une maison individuelle mais à plusieurs.
Quelles sont les prochaines étapes pour Yvivre ?
O.F. : Après une première opération test lancée à Montpellier, le concept va continuer d’évoluer en se concentrant sur des parcelles atypiques difficiles à viabiliser dans le cadre de la promotion classique. Il s’agira de diversifier le montage financier avec des partenaires issus de l’économie sociale et solidaire.

Parcours d'Olivia Frapolli
Architecte diplômée de l'École nationale supérieure d'architecture de Montpellier, elle a été formée aux enjeux des relations entre la perception des milieux et la conception des espaces, ainsi qu'à ceux du BIM (Building Information Modeling). Dans son travail, elle relie sciences sociales, informatique, macroéconomie et sujets de société, pour penser les modèles de construction de demain. Elle a cofondé Yvivre avec trois associés, Thomas Landemaine, architecte, Fabien Leprovost, entrepreneur dans le webmarketing et Jérémy Guillaume, ingénieur informatique.