C’est un fait : les villes doivent devenir résilientes face aux dérèglements climatiques. Mais comment faire pour tendre vers un modèle urbain à la fois durable et au service des habitants ?
On en parle avec Marco Balducci, CEO de Nhood, entreprise qui s'est fixé pour mission de bâtir des quartiers à impact positif.
Vous avez pour ambition de contribuer à la ville du quart d'heure, un concept cher à l'urbaniste Carlos Moreno, qui vise à rapprocher les services des habitants. Comment la proximité permet-elle de transformer la ville ?
Marco Balducci : Actuellement, le principe joue un rôle essentiel dans la manière dont la ville est repensée et fabriquée. Pour les citadins, disposer de logements, de commerces, d'écoles et d'activités de loisirs proches les uns des autres facilite l'accès aux services essentiels, favorise les mobilités douces et stimule la création d'emplois locaux.
De plus, la proximité permet de renforcer les interactions entre les habitants car en répartissant les services à proximité des lieux de vie, on encourage les rencontres informelles, les échanges et la création de liens sociaux. Cela contribue également à renforcer le sentiment d'appartenance à une communauté et à susciter des comportements solidaires. Ce virage vers la proximité nécessite une collaboration étroite entre les acteurs locaux et une compréhension fine des besoins des populations.
Quel rôle joue l'immobilier mixte, qui est considéré comme une solution pertinente pour tendre vers un modèle urbain plus durable et plus humain, dans l'accélération de ces transformations ?
M.B. : En combinant des logements, des espaces de travail et des équipements publics dans un même ensemble, l'immobilier mixte favorise la diversité des usages et le brassage social.
Dans cette optique, les bâtiments sont conçus pour permettre leur réutilisation. Par exemple, des bureaux peuvent être transformés en habitations ou réaménagés pour accueillir des activités de loisirs. Cela permet d'optimiser la consommation de matériaux et d'énergie, de même que l'utilisation de l'espace disponible dans les zones urbaines.
Par ailleurs, le regroupement de différentes fonctions au sein d'un même bâtiment ou d'un même quartier raccourcit les distances à parcourir en ville, encourage les déplacements à pied, à vélo ou en transports en commun, et contribue ainsi à la réduction de l’empreinte carbone.

Dans quelle mesure la désartificialisation et la végétalisation participent également à ces changements ?
M.B. : Ce sont deux leviers essentiels pour tendre vers la ville bas carbone. La désartificialisation vise à réduire l'impact des infrastructures humaines sur l'environnement en réaménageant des zones urbanisées. Cela permet de restaurer les écosystèmes naturels, de favoriser le retour de la biodiversité, et de réduire ainsi la pollution.
La végétalisation, quant à elle, consiste à introduire davantage de nature dans les espaces urbains, ce qui contribue à améliorer la qualité de l'air et à lutter contre les îlots de chaleur. En effet, les plantes absorbent le CO₂ présent dans l'atmosphère et apportent de l'ombre et de la fraîcheur aux citadins.
Est-ce qu'il s'agit également de proposer une autre façon de vivre en ville ?
M.B. : Oui, tout à fait. Ces transformations ont aussi pour objectif d'améliorer la qualité de vie des habitants en créant des infrastructures et des espaces publics adaptés à leurs besoins, parcs, pistes cyclables, zones piétonnes, réseaux de transports en commun…
Ce réaménagement inclut des espaces de rencontre et de convivialité, comme des places publiques ou des marchés. La santé et le bien-être sont également pris en compte à travers la promotion d'une alimentation saine, la création d'espaces verts accessibles, la réduction de la pollution de l'air et du bruit, l'amélioration de l'offre culturelle et des services de loisirs. Toutes ces évolutions visent à créer un environnement urbain plus agréable, plus fonctionnel et plus durable.
C'est ce que nous sommes en train de faire à Bordeaux, en transformant le site de Counord, occupé par un supermarché et un parking aérien depuis les débuts des années 1990. L’idée est de le transformer en un quartier animé, co-construit avec les riverains, qui englobe des logements, des commerces et des services en pied d’immeuble, ainsi que des espaces inclusifs, comme le "social bar", un laboratoire de la convivialité et de la solidarité qui organisera chaque mois des événements.
Quels autres projets réalisés par Nhood illustrent ce nouveau paradigme ?
M.B. : À Villeneuve d'Ascq, nous avons réhabilité l'ancienne friche industrielle de La Maillerie pour en faire un écoquartier innovant. Nous y avons construit 711 logements, une école, 16 000 m² de bureaux, 8 000 m² de commerces et de services, tout en y implantant de nombreux espaces verts et en y expérimentant de nouvelles manières de vivre ensemble grâce à un estaminet, un potager urbain et un repair café…
En Espagne, nous avons, en concertation avec les acteurs locaux, régénéré la gare de Vialia Vigo pour en faire un lieu de vie qui met l'accent sur la mobilité multi-modale avec une offre qui mixe train, bus, parking, pistes cyclables et zone piétonne. Les visiteurs peuvent profiter d'un toit-terrasse de 30 000 m² avec vue sur la mer, d’un centre commercial organisé comme une rue commerçante de 125 boutiques, et d' une gamme de loisirs particulièrement riche, cinéma en plein air, concerts, restauration, équipements sportifs…

Votre offre concerne aussi les commerçants et les entreprises. Cela vous permet-il de prendre part de façon plus globale aux mutations urbaines ?
M.B. : C'est un point très important parce que le retail doit faire partie de cette nouvelle façon de construire. Depuis longtemps, nous avons tissé des liens étroits avec les commerçants et avec les entreprises. Cela nous permet de collecter un volume important de données pour mieux comprendre les besoins des citadins et pour savoir comment les enseignes peuvent mieux y répondre. Cela nous permet également de connaître les attentes de toutes les parties prenantes d'un projet afin de déterminer la meilleure solution à mettre en œuvre.
Selon vous, à quelles évolutions faut-il s'attendre dans la manière de construire et d'aménager ? Qu'est-ce qui va faire la différence dans un avenir proche ?
M.B. : Nous allons assister à la généralisation des techniques de construction respectueuses de l'environnement. Les bâtiments seront conçus de manière à intégrer les énergies renouvelables et à réduire les émissions de CO₂. La mise à profit des matériaux durables et recyclables sera privilégiée, de même que l'utilisation des nouvelles technologies. Grâce aux capteurs et à l'intelligence artificielle, il sera possible d'optimiser la gestion des ressources. Demain, l'aménagement des territoires sera essentiellement focalisé sur la protection de la biodiversité et de la nature.