Jeune fille qui tient des tomates fraîches devant ses yeux

La sécurité alimentaire, un enjeu d'innovation dans un monde qui change

Un dossier parrainé par SIAL Paris
© Beavera via Getty Images

Pivoter vers un modèle d'alimentation durable a des impacts sur l'ensemble de la chaîne de valeur. Savoir travailler ensemble pour réussir cette grande bascule, c'est la clé, nous dit Mélanie Marcel, fondatrice de SoScience, avec l'exemple éloquent de la sécurité alimentaire.

La sécurité alimentaire dans les pays développés redevient un enjeu du quotidien, ce qui n’était plus le cas depuis des décennies. En France, à l’abri des pénuries, la sécurité alimentaire était plus perçue sous l’angle sanitaire et sûreté des aliments (hygiène des denrées alimentaires, contrôle de la chaîne alimentaire, respect de la chaîne du froid, contaminants, traçabilité, etc). Désormais, on se préoccupe également de ce qui était encore il y a peu considéré comme acquis : l’accès à une quantité de nourriture suffisante et de qualité pour tous.

Selon l’enquête FIES de la FAO, la situation alimentaire vécue s’aggrave lentement depuis 2014. Les crises successives que nous connaissons viennent encore ternir ce tableau. La pandémie de Covid-19 a révélé et aggravé la fragilité de nos systèmes agricoles, le conflit en Ukraine met en péril les chaînes d’approvisionnement, le changement climatique a un effet direct sur nos capacités de production et la démographie ne laisse pas présager d’une réduction de la demande.

© Flambo

Le système de production actuel est plus que fragile, il est entré dans une boucle négative de rétroaction en aggravant la situation environnementale

Ces crises sanitaires, environnementales, géopolitiques, économiques sont interdépendantes et ont un impact négatif sur les sols, les émissions carbone, la biodiversité. Il est urgent de faire pivoter notre modèle alimentaire et agricole pour assurer la sécurité alimentaire pour tous à l’avenir. Et pour cela, il faut :

Réduire l’impact environnemental, notamment les émissions de GES : cela doit passer par une végétalisation de notre alimentation (la production de viande rouge génère 15-30 kg de CO2 pour 100g de protéines versus 2-3kg pour les légumineuses) et un recentrage local (assurer l’autonomie alimentaire devient urgent lorsque conflits et pandémies fragilisent tous deux les approvisionnements internationaux) ;

Repenser les modes de production à l’aune de la santé environnementale : la qualité de notre alimentation ne doit pas être seulement évaluée sous l’angle de la composition nutritionnelle de notre assiette, celle-ci évolue aussi selon les modes de production. Notre alimentation — et donc notre santé — est directement impactée par l’appauvrissement du microbiote des sols causé notamment par l’érosion, la pollution des sols, la monoculture et le changement climatique. Une baisse de la qualité de notre alimentation réduit la résilience aux maladies. Répondre à cet enjeu demande de favoriser des approches d’agricultures régénératrices telles que l’agroécologie ou la permaculture.

Bâtir un modèle alimentaire et agricole plus durable fait consensus. La science montre qu’il est possible de faire converger les régimes les meilleurs pour la santé avec les régimes les meilleurs pour l’environnement (GES et de besoin en terre et énergie) (1).

Cependant cela requiert une transformation profonde à la fois de nos modèles agricoles et des produits que nous consommons. Végétaliser l’alimentation via des fermes locales en agroécologie, introduire des protéines d’origine nouvelle via des fermes à insectes, des usines de viandes ou de fromages synthétiques, sont autant de changements qui vont demander notre adaptation et notre acceptation.

Cette transformation exige que les entreprises impliquées dans la sécurité alimentaire, comme dans la sécurité des aliments, accélèrent leur innovation

L’adaptation ne sera pas uniquement celle du consommateur face à de nouveaux produits et à un régime plus végétalisé. En fait c’est l’ensemble de la chaîne industrielle qui va subir des changements et qui doit se préparer dès à présent.

Prenons l’exemple des entreprises spécialisées dans la sécurité des aliments. Derrière un produit propre à la consommation, se trouve une expertise technique et scientifique poussée. Traitement de surfaces, agents désinfectants et nettoyants, c’est tout une chimie spécialisée qui s’est développée pour assurer que les aliments que nous consommons au quotidien ne nous rendent pas malades. Vous vous rappelez des contaminations alimentaires qui ont fait l’actualité au printemps 2022 ? Il y a en fait très peu de cas de ce type au regard de la quantité d’aliments consommés chaque année en France, et on le doit notamment à cette chimie experte de la sécurité des aliments.

Mais la synthèse et la production de ces produits ne répondent pas toujours aux critères d’une chimie durable. Face au changement climatique, ces acteurs doivent innover deux fois plus car ils doivent se transformer à double titre :

En mettant en place de nouveaux produits et procédés adaptés aux nouveaux systèmes alimentaires. Comment assure-t-on la sécurité des aliments dans une usine de production de viande ou fromage synthétique par exemple ? Un abattoir et une paillasse sont des environnements tellement différents qu’ils ne demandent pas les mêmes solutions.

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De même, gérer les pathogènes pour éviter les zoonoses fera appel à des approches de conception adaptée selon qu’il s’agisse de grandes exploitations laitières pilotées technologiquement ou d’exploitations locales en agriculture régénératrice. Comment penser la sûreté alimentaire pour le vrac, à l’heure où nous devons réduire au maximum nos emballages plastiques, qui ont pourtant été la révolution du XXe siècle pour permettre de préserver la qualité des aliments notamment lors du transport de denrées ?

En développant largement la chimie verte : une approche scientifique des procédés de chimie qui tend à supprimer tout impact sur l’environnement et sur le cycle du carbone. Rendre l’ensemble de la chaîne alimentaire meilleure pour l’environnement signifie que la chimie encore nécessaire et utilisée pour la sécurité des aliments doit aussi devenir durable.

Réaliser ces deux mouvements d’un même concert, demande une véritable stratégie holistique, pronée par la FAO, et une vision de long terme. Il faut être capable d’anticiper les changements et les crises qui arrivent et pour cela, il devient nécessaire de travailler avec tous les acteurs de la chaîne, directe et indirecte, notamment les plus émergents !

Innover à travers l’ensemble d’une chaîne

Kersia, entreprise dinardaise et leader mondial de la sécurité des aliments, a décidé de prendre ces sujets à bras le corps en implémentant une stratégie d’innovation responsable. Ils forment leurs équipes au changement systémique aux côtés d'Ashoka, référence dans l’innovation sociale, par exemple. Ils ont compris qu’il est essentiel de trouver de nouveaux partenaires pour co-construire les solutions de demain et se sont rapprochés de SoScience pour inventer la sécurité des aliments avec de nouvelles approches de la recherche et innovation.

Faire face à un monde pathogène, qu'est le monde du vivant, demande une constante innovation : nouveaux sourcing, biotech, data et transformation digitale, nouveaux partenaires et collaborations multi-acteurs. Mais cette innovation ne pourra se faire qu’avec l’ensemble de la chaîne. En effet, comment développer des produits adaptés à l’économie de demain sans travailler avec les acteurs qui inventent cette économie et mettent aux points les chaines de productions de demain ? Dans le secteur agro-alimentaire, nous devons très rapidement accélérer les consortiums d’innovation multi-acteurs. Demain, une entreprise comme Kersia devra travailler main dans la main autant avec les acteurs de la future foodtech, comme des futurs leaders dans la production d’insectes, des exploitations de légumineuses basées sur l’agriculture régénérative ou développant l’agriculture urbaine.

Ces collaborations entre différents secteurs, acteurs, expertises nouvelles et diversité de savoirs demande une évolution des systèmes de recherche et innovation et une facilitation spécifique pour faire travailler ensemble et avec efficacité des acteurs qui ne se connaissent pas. Et c’est notre meilleure barrière face aux pénuries à venir.

(1) Kesse-Guyot, E. et al (2021) Environmental and nutritional analysis of the EAT-Lancet diet at the individual level: insights from the NutriNet-Santé study. Journal of Cleaner Production

À propos :
Ingénieure diplômée de l'ESPCI Paris, spécialiste de la physique des ondes et des neurosciences, Mélanie Marcel a débuté sa carrière en travaillant sur les interactions machines / cerveaux. Elle a fondé SoScience, une plateforme d'innovation qui a pour but de remettre la recherche scientifique au service de la société et du bien commun.