SIAL Paris revient. Après 4 ans de hiatus pour cause de Covid, l’un des plus grands rendez-vous de la filière agroalimentaire ouvrira ses portes le 15 octobre à Paris-Nord-Villepinte. Avec un mot d’ordre : Own The Change, pour relever le défi de la transition alimentaire – malgré le contexte géopolitique et économique. Entretien avec sa directrice, Audrey Ashworth.
Présentez-nous SIAL Paris, qui aura lieu en octobre prochain. Quel rôle souhaitez-vous tenir au sein de l’écosystème Food avec ce rendez-vous ?
Audrey Ashworth : Inspire, Food, Business : ces trois mots sous notre logo résument parfaitement notre vocation. Nous souhaitons inspirer, donner du sens, apporter une vision. Nous permettons à cette large communauté Food, de la fourche à la fourchette, de se retrouver. Nous sommes un agrégateur donc, et un peu agitateur aussi, pour challenger le statu quo. Et enfin, nous sommes facilitateur d’affaires, une plateforme business où s’échangent des produits agroalimentaires.
SIAL Paris est un salon à forte dimension internationale. Nous accueillons 7000 exposants venus de 126 pays. En 2018, nous avons accueilli 300 000 professionnels, venus de 200 pays sur 250 000 mètres carrés de zone d'exposition, soit l’équivalent de 100 hypermarchés mis bout à bout ! En plus de la totalité de Paris-Nord Villepinte, nous construisons même une méga tente de la taille d’un hall…
Nous avons bien conscience de la taille, du gigantisme même, de SIAL Paris. C’est pourquoi nous accordons beaucoup d’attention – et de budget ! – à préserver la convivialité du salon. Dans cet espace, nous avons 10 secteurs comme autant de salons dans le salon, pour permettre aux acheteurs de trouver les produits et les producteurs qu'ils recherchent, pour faciliter les échanges. Car l’écosystème Food, c’est aussi ça : le goût, le partage, la convivialité.

L'édition 2022 de SIAL Paris se place sous le signe des retrouvailles, mais aussi sous celui du changement.
Sous quel signe se place cette édition 2022 ?
AA : Le report de l’édition de 2020 a été un crève-cœur. 2022 se place donc sous le signe des retrouvailles, mais aussi sous celui du changement.
Une vraie prise de conscience a vu le jour, accélérée par la pandémie : 63% des consommateurs considèrent que manger est un acte citoyen, que le contenu de leur assiette a un impact sur l’environnement. Les crises que nous traversons, d’abord la crise sanitaire, puis la guerre russo-ukrainienne, ont de nombreuses conséquences : approvisionnement, matières premières, énergie, etc. Tout se répercute in fine sur le prix des denrées. La crise climatique et ses effets (récoltes précoces, pénuries…) ont aussi un impact lourd sur nos façons de s’alimenter.
En 2020, nous avions inauguré le hashtag #OwnTheChange. Nous avons décidé de le conserver. Own The Change, c’est une manière de dire que nous sommes tous acteurs du changement. Car il est urgent de changer, et notre vocation est aussi de donner des clés à l’écosystème pour le faire. Il n’y a pas de fatalisme. SIAL Paris est un salon résolument optimiste.
Le chef Mauro Colagreco est le parrain de cette édition. Parlez-nous de lui.
AA : Au SIAL, nous considérons les chefs comme les passerelles entre la gastronomie et l'industrie agroalimentaire. À nos yeux, ils sont à la fois laborantins et précurseurs de tendances.

Notre rencontre avec Mauro Colagreco était une évidence. Mauro est un chef italo-argentin installé en France. C’est aussi un homme très engagé, pour qui la transition écologique tient de la philosophie. Triplement étoilé, il a été élu meilleur restaurant du monde en 2019. Il est le premier restaurant à recevoir une certification B-Corp. Le premier aussi certifié plastic free. Autour de son restaurant le Mirazur à Menton, il a un jardin de quinze hectares où sont cultivés les produits qu’il cuisine. Bref, son approche à la fois cosmopolite et respectueuse de l’environnement est complètement alignée avec SIAL et Own The Change.
Quels sont les temps forts, les nouveautés ?
AA : J’aime dire que le SIAL est multiple. Il s’agira de la 58ème année ! Le salon a été lancé en 1964, pour faciliter cette rencontre entre exposants et acheteurs. Nous mettons aussi beaucoup d’énergie dans les animations, les espaces d’expressions, afin de procurer à chacun, une nouvelle vision. Plus le monde se digitalise, plus les rencontres physiques me semblent essentielles. Les bons échanges, le bon relationnel, on les crée en face-à-face.
Nouveauté cette année, SIAL Start-up est un village qui met à l’honneur les jeunes sociétés ; avec en corollaire, SIAL Invest, un format où certaines pitcheront leurs concepts à des investisseurs.
SIAL Talks, notre lieu d’espaces et d’échanges, accueillera les prises de parole de plus de 100 intervenants internationaux, 70 heures de contenus, 60 conférences… Autant d'interviews, de débats, de tables rondes, de conférences, etc., pour décrypter le monde de l’agroalimentaire de demain.
SIAL La Cuisine est notre espace de démonstration d’expériences culinaires, avec à l’honneur différents chefs, du plus jeune au plus confirmé. Ils viendront mettre leur créativité pour inspirer nos visiteurs à cuisiner autrement, tout en veillant à conserver une approche très accessible.
SIAL Innovation est l’espace phare du salon. Plus de 1800 dossiers sont déposés dans 14 catégories différentes (épicerie salée, épicerie sucrée, traiteur frais ou snacking, produits de la mer, etc.), auxquelles nous avons rajouté un Prix de l’Emballage, un Prix Startup, un Prix Own The Change, et un Prix du Public. Des lauréats annoncés le premier jour du salon.
Encore plus loin dans l’innovation, Future Lab est une expérience immersive pour plonger dans le futur de l’agroalimentaire, avec trois focus : l’agriculture 2030, le retail 2030 et l’assiette 2030. Un horizon prospectif, et pourtant très proche de nous.
Et enfin, SIAL Insights, notre baromètre de référence qui suit les tendances alimentaires mondiales, notre étude sur l’innovation agroalimentaire et nos insights avec nos partenaires Kantar, ProtéinesXTC et NPD.
La dimension plaisir de l'alimentation est incontournable. Si le produit n’apporte pas une dose de plaisir, il aura beau être sain, on ne le rachètera pas.
Quelles sont-elles, justement, ces grandes tendances ?
AA : Sans surprise, la santé est la première grande tendance. Avec la pandémie, notre attention s’est cristallisée autour de produits sains. 71 % des consommateurs ont adopté un changement d'alimentation pendant les deux dernières années ! Concrètement, ça se traduit par des produits avec des recettes très courtes et beaucoup de naturalité.

L’éthique est aussi un axe clé. Face à l'épuisement des ressources et à l'impact négatif de nos modes de production sur l’environnement, la durabilité devient essentielle. 35 % des consommateurs disent être attentifs aux questions environnementales et éthiques. 11% ont même adopté une autre alimentation pour ces raisons-là. Mais l’éthique, c’est aussi la responsabilité sociale, comme la juste rémunération des producteurs, ou le caractère abordable des aliments. Voyez le bio, qui atteint un plateau parce que perçu comme trop cher. C’est un enjeu que nos industriels doivent résoudre. La production locale, de saison, s’inscrit également ici. Avec une forte charge émotionnelle, où l’on soutient nos producteurs locaux avec nos achats.
La dimension plaisir est incontournable. 71 % des personnes interrogées déclarent cette notion indispensable dans leur alimentation. C'est une tendance renforcée par la pandémie. Si le produit n’apporte pas une dose de plaisir, il aura beau être sain, on ne le rachètera pas. C’est par exemple l’un des défis des produits plant-based, qui se développent très fort, pour leur caractère santé. Mais ces substituts de viande, poisson, ou de produits laitiers, ne doivent pas céder sur le plaisir, qui demeure une motivation d’achat incontournable.
Les consommateurs attendent des industriels un équilibre entre ces trois tendances. Depuis deux ans, ils ont beaucoup cuisiné, renoué avec une alimentation plus traditionnelle. Ils ont atteint un niveau de maturité et même s’ils veulent se faciliter la vie, ils ne reviendront pas en arrière. L’hyper-transformation est challengée par les consommateurs, et ceci dans toutes les classes de la population – car elle a un coût aussi.
Quid de la place du numérique ?
AA : L’e-commerce alimentaire a bondi de 16% au niveau mondial. Certaines pratiques vont rester : le click and collect, ou en restauration, scanner un menu via QR Code. De nouveaux parcours se développent en retail, avec l’aide du smartphone. Le digital, c’est aussi la traçabilité avec notamment la blockchain, la capacité à donner de l’information à des consommateurs qui en sont très demandeurs. L’outil digital est un facilitateur.

En tant qu’organisateur de salon, comment travaillez-vous la RSE de vos évènements ?
AA : Notre taux de recyclage est de 20 à 30%. Nous souhaitons améliorer ce chiffre de 30%. Nos stands sont écoconçus et peuvent être réutilisés – tout ou en partie, sur les salons Comexposium. Sur SIAL Innovation par exemple, nous réutiliserons certains éléments en 2024.
Nous proposons à nos exposants de louer des wagonnets pour trier les déchets, nous renforçons la pédagogie auprès d’eux. Nos portes badges sont en papier recyclé. Nous proposons des fontaines à eau sur tout le salon. Nous revalorisons les déchets organiques, nous recyclons les huiles de cuisson avec l’aide de nos partenaires, nous récupérons les denrées avec la Croix-Rouge pour les redistribuer auprès des plus démunis (57 tonnes en 2018 ! ). Nous nous attelons aux économies d’énergie, en limitant les mises sous tension, tout en préservant la sécurité alimentaire. Nous limitons les éclairages nocturnes. Nous proposons du covoiturage au départ de Villepinte, etc.
Nous accueillons les personnes en situation de handicap avec un accueil dédié, des accès parking. Nous mettons en place des tarifs préférentiels pour les jeunes. Nous sommes vigilants sur la parité femmes – hommes… Bref, nous multiplions les efforts, du plus petit au plus grand. C’est un effort collectif, que nous engageons avec l’appui des équipes de Comexposium, et de nos exposants.
Et le mardi 27 septembre à 12 heures, Et Demain notre ADN L'Emission recevra Audrey Ashworth, directrice de SIAL Paris, Jean-Gabriel Mollard, directeur marketing et communication de SIAL Network, et Karin Perrot, Directrice Expert Food de Kantar Division Insights France, qui nous présentera en exclusivité des insights sur les nouveaux comportements alimentaires des Français au regard de l’actualité. Inscrivez-vous ici !